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Bientôt le changement ?...

30 Avril 2012 , Rédigé par Daniel Lenoir Publié dans #édito

Prenez ce titre comme une forme de boutade, bien entendu. Parce que je n'en sais rien !

Ce que je sais par contre, c'est que le scrutin de dimanche dernier a d'ores et déjà fait bouger sensiblement l'échiquier politique.

D'un point de vue général, le score du FN interpelle tous les démocrates. On a beau nous dire que, passant du père à la fille, ce parti s'est éloigné d'un passé de triste mémoire, il n'en reste pas moins que certaines théories nous rappellent que les périodes de crise sont toujours propices à des discours d'exclusion et de réponses simplistes.

Cette  campagne des présidentielles n'aura pas dérogé à la règle et je ne suis pas certain que les positions soient si différentes entre le FN de papa et le FN de Marine. Tout juste sont-elles enrobées d'une autre manière. 

Les résultats que nous avons observés dans nos campagnes, et qui sont une nouveauté, prennent donc d'autant plus de sens.

Ce qui est remarquable, c'est la disposition géographique des votes d'extrême droite. Une carte parue dans le journal "Ouest-France" au lendemain du premier tour, montrait clairement que, plus nous nous éloignions des villes, et plus le score du FN était élevé. Est-ce à dire que les ruraux sont d'horribles fachos ? Bien sûr que non, et je mets au défi quiconque de me donner des noms (vérifiés) de leaders de ce parti dans nos campagnes. Ce parti n'a pas de "têtes" localement.   Oh, il y a bien quelques petits chefaillons qui cherchent à s'agiter, mais il va de soi, qu'à la simple affirmation de leur adhésion, ces personnages, peu crédibles,  feraient fuir bon nombre de ces votants qui ont une autre motivation.

Alors qui sont ces électeurs, et pourquoi ont-ils fait ce choix dont ils ne tireront aucun bénéfice ?

Des agriculteurs ? Peut-être pour quelques uns. J'ai entendu en effet des prises de position de cette nature dans la bouche de certains d'entre eux. Mais je suis moi-même agriculteur, et je sais qu'ils ne sont pas majoritaires. De plus, cette attitude serait particulièrement contradictoire avec leur propre situation. Dois-je rappeler qu'il s'agit de la profession qui est la plus bénéficiaire des aides publiques, dont celles versées par l'Europe que le FN fustige pourtant en permanence.

A titre indicatif, j'ai tenté d'évaluer le montant des aides qui peuvent être perçues dans le cadre de la PAC( politique agricole commune) sur notre commune. Gesvres compte  1950 hectares de surface agricole utile (SAU) parmi lesquels il y a 1200 ha de terres labourables, et 750 de prairies. Faisons l'hypothèse que chaque hectare reçoive 350 € par an (ce qui est sans doute une estimation basse), le montant global perçu par la vingtaine d'agriculteurs Gesvrois s'élève à près de 700 000 €. Ceci est considérable, et bien au-delà  des sommes versées par les habitants de la commune au titre des divers impôts. Une commune comme la nôtre est donc indiscutablement bénéficiaire de ces politiques nationales ou Européennes. Je peux admettre, et je fais d'ailleurs souvent partie de ceux qui l'affirment, que cette politique n'est pas équitable. Mais cela ne peut jamais justifier une sortie de l'Europe comme le réclame le FN, au risque de tirer une balle dans le pied de tous ces paysans, dont l'essentiel du revenu est composé des aides que je viens d'évoquer.

Le tissu rural change.

Dans un article du mois de décembre dernier, je faisais état de l'évolution démographique positive dans nos communes rurales, là où la plupart des services publics étaient absents, ou menacés de disparition. Je notais que curieusement, en tout cas en apparence, ces communes étaient préférées aux centres bourgs qui offraient pourtant des services plus proches et d'assez bonne qualité.

Difficile de ne pas imaginer qu'une partie de l'électorat FN ne se trouve pas dans ces populations nouvellement arrivées. J'observe, dans mon entourage géographique proche un turn-over assez rapide, avec des habitants qui ne semblent pas s'intéresser de près à la commune où ils habitent. Ils ont sans doute fait le choix de venir s'installer en campagne, pour y trouver le calme, mais aussi parce que les loyers ou le prix de l'immobilier y sont relativement bas. Point d'immigrés à l'horizon, très peu de risque de se faire cambrioler, mais par contre, un sentiment d'être les oubliés de tout. Ceux dont on ne parle plus, ceux qui doivent toujours réclamer pour que le container à ordures ne s'éloigne pas à 3 km, ceux qui voient leur ordinateur "ramer" au bout d'une ligne téléphonique interminable, ceux qui se demandent s'il ne faudra pas un jour aller chercher le courrier dans je ne sais quel dépôt, ceux qui s'inquiètent de la disparition des écoles, des médecins, du transport aussi, bref, de tout ce dont ils peuvent avoir besoin. Et ceux enfin, qui voient le prix à la pompe, grimper inexorablement.

Toutes ces craintes ne sont pas fondées, mais le président actuel aura au moins réussi cet exploit de faire douter de tout,  ces populations fragilisées et isolées.

Et elles ne sont pas rassurées par les institutions locales dont les mairies qui, avouons-le, ne servent plus à grand chose pour ces nouveaux habitants qui doivent prendre un bout de RTT pour espérer passer aux heures d'ouverture.

Voilà comment, quand le "vivre ensemble" disparaît, quand les associations n'ont plus la force ou le soutien nécessaire pour créer un lien entre les villageois, quand la municipalité ne veille pas au bon accueil de ces néo ruraux , et au confort des plus anciens, chacun se replie sur lui-même, et profite de l'occasion qui lui est donnée lors d'un vote pour se rappeler au bon souvenir des lointains dirigeants.

Un vote à haut risque.

Et c'est bien le problème ! Si ce mécontentement était une simple colère qu'il suffirait d'entendre et à laquelle il conviendrait de répondre par des mesures concrètes, notre démocratie s'en trouverait peut-être même enrichie. Or, ce n'est pas que cela. Ce message est intégré, et récupéré par une idéologie qui peut faire son chemin, et dont l'essence même est la peur de l'autre. L'autre, qui au début est lointain, mais qui petit à petit peut se rapprocher. Ces idées nauséabondes ont gagné de nouveaux esprits parce que le parti qui les porte se veut plus présentable, mais elles peuvent aussi proliférer plus vite encore quand des hommes politiques reconnus se laissent aller à des discours ambigus pour capter les voix de ces hommes et de ces femmes qui doutent maintenant de tout, et qui sont prêts à franchir des lignes qu'ils s'étaient interdites jusque là.

Voilà pourquoi je vis une vraie tristesse et une réelle inquiétude à entendre l'évolution de la campagne de l'entre-deux tours. Voilà pourquoi, aussi, et même s'il ne devait y avoir qu'une seule raison, celle-là serait suffisante pour que je ne vote pas pour Nicolas SARKOZY.

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