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Directive nitrate : On marche sur la tête !

26 Septembre 2012 , Rédigé par Daniel Lenoir Publié dans #édito

Je m'explique ! Pour ceux et celles qui ne touchent ni de près ni de loin à l'agriculture ou à l'environnement, ce titre risque de vous laisser dubitatifs.

La directive nitrate, c'est une règle Européenne qui est en oeuvre depuis près de 15 ans, et qui vise à réduire la pollution des eaux souterraines et de surface. Elle concerne essentiellement les nitrates d'origine agricole, qui sont considérés comme la cause principale de la montée des taux d'azote dans l'eau.

J'indique à ce stade, que si directive Européenne il y a, c'est que les gouvernements de tous nos pays ont accepté, voire demandé que soient fixées des règles pour garantir la qualité des eaux sur leurs territoires. Cette précision est nécessaire, parce que j'entends, trop souvent à mon goût, des mises en cause de l'Europe que l'on accuse de tous les maux, et en particulier de technocratie alors qu'elle assure tout simplement une vigilance pour la mise oeuvre des recommandations décidées par nos représentants nationaux.

Or depuis la mise en place de cette directive, dont le but est de ne pas dépasser les 50 mg d'azote par litre d'eau potable, nous n'avons vu que très peu d'évolution. La commission Européenne a donc fini par se fâcher, et elle menace maintenant la France de sanctions financières qui pourraient atteindre 200 000 € par jour si la France ne prenait pas de mesures plus efficaces.

Et c'est là que nous commençons à marcher sur la tête.

D'abord parce que la motivation première semble être de ne pas subir cette sanction Européenne, plutôt que de savoir si nous pouvons trouver des pratiques agricoles moins génératrices de nitrates dans l'eau. Pour étayer ce point de vue, je peux dire que toutes les réunions auxquelles j'ai pu assister sur ce sujet, ces derniers jours, et croyez-moi, il y en a eu... commencent toutes par cette mise en garde réglementaire et coercitive de la grande méchante "Europe". Ne soyons pas étonnés alors, que sa popularité ne soit pas au beau fixe avec ce genre de discours.

Et ensuite parce qu'aucune leçon ne semble être tirée des 10 ou 15 ans qui viennent de passer.

De manière globale, si nous pouvons nous réjouir de quelques améliorations dans l'ouest du département, nous n'observons pas sur le reste de la Mayenne, d'évolution particulière quant à la teneur de nitrates dans les eaux mayennaises. Ce constat est terrible ! Il signifie que les efforts qui ont été faits, ont été faits pour rien, en tout cas pour le moment.  Les mesures effectuées à l'estuaire de la Loire, confirment elles aussi cette tendance puisque depuis plus de 20 vingt ans, les taux de nitrates n'ont cessé d'y progresser, avec comme conséquence, là aussi des algues vertes, moins médiatisées que celles de Bretagne, mais bien réelles quand même. Alors nous aurions pu espérer une réelle réflexion collective sur le sujet, pour sortir de cette impasse.

Au contraire, partant toujours de cette menace de sanction Bruxelloise, l'état Français a voulu prendre lui-même les affaires en main. Il a donc décidé de substituer un programme d'actions national aux différents programmes départementaux. Et il en a profité pour modifier des règles dont l'impact risque d'être beaucoup plus négatif que positif.

En clair, l'état propose que la plupart des territoires qui étaient déjà sous le coup de ces mesures départementales, et qui devaient réduire l'apport d'azote sur les terres agricoles, soient maintenues, et que d'autres y soient adjointes. Sur ce point, je n'ai rien à redire. D'ailleurs, la Mayenne a très largement anticipé puisque tout le territoire départemental est classé en zone vulnérable pour les nitrates dans l'eau depuis 1996.

Par contre, il propose aussi que le plafond de 170 kg/ha/an d'azote s'applique, non plus sur la surface potentiellement épandable ( n'en font pas partie, les bords de rivières, les zones humides, les parcelles très proches d'un tiers, etc...), mais sur la totalité des terres de l'exploitation. Cette simple modification entraîne inévitablement une augmentation du tonnage de matières fertilisantes organiques autorisées. Bien sûr, l'état, sous la plume de chaque Préfet, dans sa grande technicité agricole, expliquera par un arrêté qui contiendra des mesures qui seront régionalisées, quand et comment l'agriculteur pourra épandre ses fumiers et lisiers. Beau métier n'est-ce pas, que celui d'exécutant de l'état... même si j'en conviens, certains sont très bien payés pour cela. Aïe, aïe, je vais encore me faire mal voir par ces "certains" !

Et puis, ce qui est peut-être le plus contestable, c'est le changement des normes de rejet des animaux.

Vous ne le savez peut-être pas, mais une vache qui pâture, rejette plus de nitrates qu'une vache qui est en stabulation. Eh si ! Maintenant c'est comme çà !

Cela signifie que tous les éleveurs, qui pour des raisons soit d'adhésion à un label, soit par choix économique, ou encore par choix environnemental, ont abandonné tout ou partie de leur culture de maïs au profit de l'herbe pâturée directement par les vaches, vont se trouver pénalisés. C'est tout simplement grotesque !

C'est aussi en totale contradiction avec la très grande majorité des programmes de reconquête de la qualité de l'eau qui sont définis par les SAGE (schéma d'aménagement et de gestion des eaux). Voilà comment, au moment où le prix des céréales flambe, où de nombreux éleveurs s'interrogent sur leurs choix techniques, une disposition de cette nature peut faire basculer toute une profession, et tout un territoire.

Nous savons tous que notre paysage dépend largement des pratiques agricoles. Je les ai suffisamment fustigées quand je les trouvais irrespectueuses de notre environnement et de notre santé, pour dire aujourd'hui combien je suis préoccupé par cette "administration" renforcée de la profession agricole, et par ces orientations totalement déconnectées du terrain.

 De grâce, laissons les personnes concernées s'organiser localement (j'y inclus évidemment les protecteurs de l'environnement). Il y aura peut-être de bonnes empoignades. Cela peut être douloureux, mais c'est çà la démocratie, et c'est comme cela que les choix, même les plus difficiles, peuvent être assumés.

 

 

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