Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Alimentation et énergie : L'avenir est dans nos champs !

9 Février 2013 , Rédigé par Daniel Lenoir Publié dans #L'actu de la semaine

Depuis 3 ou 4 ans, notre territoire du Nord-Est mayennais a vu naitre  un groupe d'agriculteurs qui compte maintenant plus de 120 membres, et qui développe collectivement un projet de méthanisation à partir des effluents d'élevage, et de déchets organiques, le tout, appuyé sur une entreprise laitière bien connue.

Cette structure, à la fois société et association, tenait jeudi son assemblée générale. A cette occasion, elle a fait intervenir l'un de ses conseillers en énergie, le directeur de Solagro, Christian Couturier.

J'ai bu du petit lait...

D'abord je veux tirer mon chapeau aux responsables de l'association d'agriculteurs, Laurent Taupin et Patrick Foret. Ils étaient conscients que le discours tenu par le conférencier aurait quelque chose de dérangeant pour tout agriculteur engagé dans un processus de production intensive. Or ils savaient bien aussi que le public (plus de 120 personnes) serait composé en grande partie de ce type d'agriculteurs. Faire venir un "chercheur militant" de la cause des alternatives agricoles et énergétiques et membre du réseau "Négawatt" était donc une gageure, et quasiment une provocation. Ils l'ont fait, et avec un esprit très respectueux et constructif.

Mais je peux aussi saluer l'attitude de la salle, composée d'agriculteurs de toutes générations,  qui, alors que l'on leur expliquait que leurs systèmes de production devraient sans doute évoluer radicalement pour s'adapter, n'ont pas manifesté de mécontentement. C'est le signe d'une maturité plus grande, en particulier dans les jeunes générations d'agriculteurs, souvent très formés et visiblement capables de remises en cause fondamentales.

Impossible ici en quelques lignes, de résumé les propos de Christian Couturier. Je relève seulement quelques phrases qui m'ont marqué un peu plus. Il a dit d'abord que "les facteurs physiques (écologiques) s'imposent aux facteurs humains (économiques)". Je crois que cette analyse est déterminante pour envisager ce qui nous attend. Chaque jour, nous réaffirmons les uns et les autres que notre société ne peut continuer d'avancer en creusant le trou de la dette, et en "puisant" dans les réserves budgétaires de nos enfants. Ceci reste vrai, et nous devons en tirer toutes les conséquences dans nos manières de gérer les affaires publiques. Mais je n'ai pas de doute sur notre capacité à régler ce problème, pourvu que nous le décidions, bien sûr.

Par contre, il est un trou que nous continuons de creuser, c'est celui de nos ressources naturelles, quelles soient, alimentaires, de matières premières, ou quelles soient énergétiques.

Que nous le voulions ou non, les facteurs limitants, seront donc bien physiques, avant d'être humains et économiques, parce que la terre n'a pas les capacités à reconstituer ces réserves, à la vitesse où nous les consommons.

Pire, ils auront même des répercussions très importantes sur la vie économique et en particulier sur les populations les plus en difficulté.

Changer les pratiques agricoles.

Alors, vous me direz : Que viennent faire ces remarques dans un exposé sur l'utilisation des terres agricoles ?

Et bien nous sommes au coeur du sujet, et Christian Couturier, l'a démontré avec brio.

Son analyse sur les pratiques agricoles actuelles est sans équivoque.

Loin de résoudre le problème de l'alimentation de l'humanité, l'agriculture intensive creuse encore plus le déficit entre la production et la consommation de matières premières.

Ses courbes sont claires. L'efficacité et les rendements de l'agriculture conventionnelle ont cessé de progresser. Elles ont même tendance à diminuer légèrement du fait de la réduction des surfaces agricoles, à cause de l'urbanisation.

Mais il avance un autre élément, qui fait mal à tous les éleveurs intensifs. La production de viande pour l'alimentation humaine est une catastrophe pour l'équilibre de l'humanité. Il rappelle que nous avons besoin de 2 à 10 kg de céréales pour produire un seul kg de viande. Sa formule est d'ailleurs assez forte, il indique que : "La production animale intensive est une méthode extensive de production agricole". Voilà de quoi bouleverser quelques certitudes chez ceux qui raillent facilement les producteurs extensifs, bio ou pas.

Ceux qui contribueront à l'équilibre de l'alimentation humaine quand la terre comptera 9 milliards d'habitants, ne sont donc pas ceux qui pratiqueront l'agriculture intensive, mais les autres. Ah ! Il était bon que cela soit dit.

Mais alors, quid de nos élevages mayennais, de l'industrie agro alimentaire qui va avec, et de notre bocage ?

Christian Couturier a une partie de la réponse à cette question.

La solution passe sans doute par une "régionalisation" des productions, en fonction des équipements industriels, mais elle passe aussi par une non spécialisation des systèmes de production agricoles, avec d'un côté des productions végétales qui allient  à la fois, les céréales et les légumineuses, avec des espaces réservés à l'agroforesterie, tout cela sans les intrants devenus habituels dans l'agriculture conventionnelle, et dont on connait le coût financier et écologique.

Il rappelle à ce sujet que la production d'une culture nécessite, soit des intrants, (engrais et pesticides), soit de la bio diversité. (nota : Voir la bio diversité placée à ce niveau d'intérêt,  n'est pas pour me déplaire. L'exemple des abeilles est flagrant, mais il y a énormément d'autres petites bestioles très efficaces).

Pour l'élevage, c'est aussi dans l'extensification qu'il voit la solution. Fini les races spécialisées, place aux races mixtes. La vache (le bovin) consomme de la cellulose que nous ne savons pas digérer. Elle peut valoriser les prairies naturelles, le mouton aussi d'ailleurs sur des terrains moins productifs (et j'y ajoute la chèvre, vous ne serez pas surpris...). Le modèle ressemble donc à une vache produisant 5000 litres de lait par an, sans aucun apport de concentré, bien entendu. Mais la démonstration n'est pas finie. Il y a 50 ans, les vaches et les boeufs, constituaient une source d'énergie non négligeable sur les exploitations. Cette énergie était bien produite sur les parcelles de l'exploitant. Pas de panique, il ne nous propose pas de revenir à la traction animale (encore que, et c'est moi qui parle, cette solution est loin d'être idiote dans certaines situations spécifiques... je ferme la parenthèse).

Non, sa proposition nous ramène au projet de méthanisation porté par les 120 agriculteurs du secteur qui ont bien compris la place que pouvait occuper leur secteur dans la production énergétique.

Il propose donc, de valoriser les effluents de ces animaux pour produire de l'énergie localement, tout en y adjoignant des apports végétaux venant soit des cultures, soit de la forêt, soit des prairies, tout cela pour contribuer à l'équilibre entre nos besoins énergétiques et notre production locale et renouvelable.

Voilà un paysage "révolutionnaire" qui se dresse devant nous. Bien sûr, il s'agit de prospective, bien sûr cela rencontrera des obstacles, des réticences, des difficultés, mais ce qui est sûr, c'est que les pratiques agricoles, consommatrices d'énergie alimentaire et d'énergie tout court ne ressembleront  pas non plus à un long fleuve tranquille.

Sa conclusion, en tout cas, était chargée d'espoir, parce qu'il pense que l'agriculture deviendra plus encore qu'elle ne l'est actuellement, le coeur de toutes les préoccupations de la société, pour son alimentation et pour son énergie. Quelle responsabilité !

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article