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Agriculture : L'élevage en difficulté

15 Mars 2013 , Rédigé par Daniel Lenoir

La période est propice aux débats sur l'agriculture. Après le cheval qui se prenait pour un boeuf, "la plus grande ferme de France" qui s'exposait comme tous les ans Porte de Versailles, et les élections aux chambres d'agriculture, le monde paysan s'est en effet retrouvé au coeur de beaucoup de discussions ces dernières semaines.

Il faut dire que l'agriculture est un sujet particulier, qui concerne et intéresse un grand nombre de personnes.

La question agricole peut être prise sous des angles très différents. Certains s'y intéressent parce que cela leur rappelle des souvenirs d'enfance, les vacances qu'ils ont passées à la campagne. D'autres la regardent pour ses fonctions nourricières, d'autres encore y voient la source de tous les maux causés à l'environnement et particulièrement à l'eau. Bref, l'agriculture ne laisse pas indifférent, d'autant qu'elle occupe un part importante des espaces naturels qui nous entourent et dont l'usage peut lui aussi, être contesté et revendiqué par d'autres catégories que les agriculteurs eux-mêmes.

Dans ce contexte, j'en conviens, l'exercice du métier d'agriculteur devient souvent un numéro d'équilibriste, coincé entre les soucis économiques, les contraintes environnementales et le regard des autres. Difficile dans ces conditions d'y trouver l'épanouissement dont rêvent sans doute les jeunes qui choisissent ce métier.

Une politique très encadrée.

L'autre particularité de cette activité économique est la dépendance à toutes les réglementations et aides financières au premier rang desquelles nous trouvons la PAC (politique agricole commune).

Voilà donc une activité libérale dont une bonne part des ressources vient des aides publiques. Un sacré paradoxe, au moins en apparence.

Alors, qui dit aides financières, devrait nous faire penser à des choix et des orientations au service de la collectivité, du plus grand nombre et du bien commun. Or, les constats sont tout autres. Nous observons d'abord que le nombre d'agriculteurs ne cesse de baisser depuis les premières mesures prises dans les années 60 avec la loi Pisani. Il suffit pour s'en convaincre de regarder le nombre d'agriculteurs dans chaque commune. Là où nous en comptions, 20 ou 30 il y à 50 ans, il en reste 2 ou 3 aujourd'hui et l'hémorragie n'est pas terminée.

Le deuxième constat concerne les effets sur notre environnement. Personne ne peut nier l'impact de certaines pratiques agricoles sur la qualité de l'eau et des sols. Même si elles ne sont pas seules responsables des dégradations, elles y contribuent très fortement.

La troisième observation porte sur la qualité des produits alimentaires. Peut-on dire aujourd'hui que ce que nous mangeons est meilleur que ce qui se trouvait dans nos assiettes il y a un demi-siècle ? Je n'en suis pas sûr, malgré tous les contrôles et les mesures d'hygiènes pourtant extrêmement draconiennes.

Le quatrième constat, c'est tout simplement que de gros écarts de revenus se sont creusés entre les agriculteurs eux-mêmes, laissant loin derrière les éleveurs et particulièrement ceux qui ont fait le choix de pratiques plutôt peu impactantes sur l'environnement.

Le tableau est noir, j'en ai conscience. Il signifie incontestablement que la politique agricole conduite depuis des années est un échec, au moins sous plusieurs aspects. Un échec pour l'emploi, un échec pour l'environnement, un échec pour l'économie, puisque la PAC coûte la bagatelle de 50 milliards d'euros chaque année à l'Europe.

Trouvons lui quand même quelques vertus. Elle aura permis de moderniser le métier d'agriculteur et par là, de faire disparaitre certains travaux pénibles. Elle a mis à la disposition des consommateurs, des produits bon marché, permettant à la fois l'accès à d'autres produits de consommation et en même temps, le développement de l'industrie qui de surcroît s'est installée quelquefois dans nos campagnes, utilisant la main d'oeuvre rendue disponible par la disparition des exploitations agricoles.

Une crise s'annonce

L'élevage est menacé. Le travail contraignant, les mesures environnementales, les faibles revenus, et maintenant l'augmentation continue du prix des aliments du bétail, tout concoure à la remise en cause de cette activité dans nos campagnes.

Et ce ne sont pas les modes de répartition des aides de la PAC et la crise du horsegate qui vont arranger les choses.

Alors disons-le clairement, certaines pratiques d'élevage posent problème. L'élevage intensif est fortement impactant sur la qualité environnementale et ne comptez pas sur moi pour demander des assouplissements, ils ne seraient d'ailleurs qu'une manière de reculer les changements nécessaires et donc de les retrouver plus prégnants encore dans quelques années.

Ces pratiques sont d'autant plus fragilisées qu'elles font appel à des achats importants d'aliments et d'intrants dont nous n'avons aucune maitrise.

Des solutions existent pourtant.

Dans une telle situation de crise, il y a comme toujours, deux attitudes. La première consiste à s'arc-bouter sur ses positions et repousser toute idée de changement de ses pratiques. Autant dire que cette tendance existe en Mayenne comme ailleurs et qu'elle est même portée par un certain nombre de responsables professionnels. Ce n'est malheureusement pas seulement l'apanage des responsables agricoles. Chaque corporation est soumise à ces influences funestes qui bloquent toute forme d'évolution.

La deuxième est au contraire mue par une volonté d'ouverture et de remise en cause. Elle existe aussi, y compris en Mayenne et elle porte le nom d'agriculture durable, d'agriculture bio, de pratiques herbagères, de circuits plus courts, de méthanisation... Vous le voyez, ces réponses sont diverses, peut-être trop diverses même pour offrir une réponse solide aux agriculteurs indécis et inquiets, mais elles existent.

Quelques ajustements n'y suffiront pas !

Nous avons beau aider les agriculteurs à replanter des haies pour maintenir le bocage, nous avons beau encenser nos éleveurs au salon de l'agriculture, nous ne résoudrons rien si nous n'accompagnons pas une vraie révolution dans les pratiques de l'élevage. Cela passera d'abord par une politique de rééquilibrage des aides de la PAC. Il est en effet totalement anormal que les DPU (aides versées à l'hectare de terre) soient maintenues au même niveau pour les céréaliers alors que ceux-ci se sont lancés dans des démarches spéculatives au détriment de leurs collègues éleveurs. Il est tout autant anormal, que les pratiques herbagères ne soient pas accompagnées alors qu'elles contribuent à des productions de qualité et qu'elles ont un impact bénéfique pour la qualité de l'eau et de l'environnement (moins d'animaux à l'hectare, donc moins de nitrates et moins de méthane rejetés...). Dommage d'ailleurs que la Chambre d'agriculture de la Mayenne ne soit pas plus positive sur ce sujet, plutôt que d'agiter des peurs dès qu'une mesure se profile pour protéger la qualité de l'eau par exemple. Vous comprenez que je fais allusion à la participation active de la Chambre d'agriculture à l'association Captages 53.

Mais il faudra aussi que l'agriculteur diversifie son activité parce qu'il devra trouver de nouvelles ressources. Cela passera par une forme de réappropriation d'au moins une partie de la valeur ajoutée agricole. Souvenez que l'on  nous vantait le développement de l'agro alimentaire créateur d'emplois et valorisant des productions agricoles locales. Les mastodontes auxquels nous avons à faire maintenant ne semblent avoir que peu de scrupules à ce sujet.

N'entend-on pas dire que l'emploi à diminué à l'abattoir d'Evron ? N'y-a-t-il pas de la viande et du lait qui viennent de l'autre bout de l'Europe, alimenter nos usines mayennaises ? Il y a même, me dit-on, des animaux mayennais qui vont se faire tuer en Allemagne ou ailleurs pour revenir ensuite, je ne sais sous quelle forme dans nos assiettes.

La maitrise de ces marchés est essentielle. Nous ne pouvons pas traiter de la même manière un morceau de viande et n'importe quel autre bien manufacturé. Or, tout cela est devenu totalement anarchique. Il en va de la qualité de notre alimentation et de la qualité de notre environnement.

Des exemples existent.

Il y en a en Mayenne. Je pense bien sûr à la fromagerie bio d'Entrammes, mais il y a aussi la laiterie des éleveurs laitiers du haut-anjou et n'oublions pas la laiterie Vaubernier qui oeuvre depuis plus de 100 ans. Dans le domaine de la viande, il y a la boucherie bio de Villaines-la-Juhel qui est tenue par plusieurs agriculteurs et qui est maintenant la seule boucherie à avoir résisté dans le coeur de la ville de Villaines. Elle alimente aussi plusieurs magasins bio et la restauration collective. Je ne peux pas m'empêcher de citer aussi ce secteur de Moyon, dans le département de la Manche, où de nombreuses fermes transforment depuis plus de trente ans leurs produits laitiers en crème, fromages blancs, créant au passage de nombreux emplois.

Que dire aussi des régions comme le Jura qui a dû le maintien de son agriculture à la création d'AOC et AOP pour le Comté, le Morbier, le Vacherin, ou encore le massif central avec le Salers. Bref, tout cela n'est pas une vue de l'esprit ou un doux rêve d'écolo, c'est une réalité économique bien solide, que les viticulteurs ont bien compris également comme ce fut le cas dans les Corbières au moment où ils sont passés d'une production intensive d'une piquette à une production de qualité.

Cette dernière comparaison entre le vin et la viande n'est pas totalement fortuite, parce qu'elle me permet aussi d'aborder la question de notre alimentation. De même que nous avons tous pris l'habitude de consommer des vins de qualité, quitte à en boire moins, nous aurons à consommer moins de viande, mais à choisir là aussi la qualité. N'oublions pas que la production intensive de viande, surtout rouge, mais la blanche n'est pas exempte non plus, constitue une perte énergétique énorme qui contribue au renchérissement des céréales, et à la production de gaz à effet de serre par le méthane.

Et puis il me reste à aborder la question énergétique.

L'agriculture, on le sait, est responsable d'une part non négligeable de l'impact sur les changements climatiques. C'est un comble. L'agriculture a tout, au contraire, pour produire de l'énergie et emprisonner une partie du carbone produit par l'activité humaine.

Il faut donc là, inverser radicalement la situation et tout le monde a à y gagner.

L'agriculture doit redevenir productrice d'énergie. Souvenez-vous d'ailleurs qu'il y a un siècle, toute l'énergie consommée sur une exploitation était produite sur cette même exploitation. Et elle en exportait souvent.

Je ne vous propose pas de revenir à la traction animale, évidemment. Ce que j' évoque là, ce sont les initiatives de méthanisation, de valorisation des haies, et pourquoi pas d'utilisation de plantes fourragères à des fins énergétiques. Le poste énergie d'une exploitation doit pouvoir passer du moins au plus. Il y a là, une ressource complémentaire naturelle sur laquelle nous allons devoir travailler ardemment. C'est aussi cela la diversification. Elle peut même prendre la forme, à l'avenir, d'une activité spécifique, y compris par l'agroforesterie.
Voilà, j'en ai conscience, un paysage nouveau de notre agriculture s'annonce. Ce n'est pas parce que je conteste les méthodes agricoles intensives, devenues le modèle agricole dominant, que je suis favorable à une agriculture traditionnelle figée, bien au contraire. C'est pour cela que je regarde avec beaucoup d'intérêt les réflexions des chercheurs qui planchent sur le devenir de l'agriculture et sur la question énergétique. Tout se tient. Les pratiques agricoles ne peuvent pas être dissociées de la protection de l'environnement côté biodiversité, comme celle de l'eau, de l'air et de la planète. Pour être cohérente, la réponse doit être globale, alors une conclusion s'impose : Pensons globalement, pour agir localement.

 

 

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