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Crise agricole : une mobilisation qui m'interpelle

4 Février 2024 , Rédigé par Daniel Lenoir

 

Nous venons en effet d'assister durant une quinzaine de jours à une mobilisation de la profession agricole dont les contours ne sautent pas forcément aux yeux.

Je  ne vois pas, en tout cas, dans ce mouvement beaucoup de signes progressistes. Probablement une forme de ressentiment  et le raidissement d'une corporation qui s'est laissée entraîner dans une course au « toujours plus » et une chasse aux subventions qui finalement se trouve être un cul de sac au moins pour une partie d'entre elle.

Le constat que dressent les manifestants semble amère et on le comprend, d'autant que ce n'est pas d'aujourd'hui que de nombreux chercheurs, de nombreux intellectuels mais aussi de nombreux paysans alertent sur l'impasse vers laquelle se dirigent une partie du monde agricole.

Les premiers signes de la contestation sont apparus dans le Sud-Ouest, là où les événements climatiques créent déjà plus de difficultés qu'ailleurs et donc aussi là où l'inquiétude est plus grande pour les années à venir.

Pas surprenant dans ces conditions que la recherche du bouc émissaire responsable soit la première démarche.  Difficile d'admettre en effet qu'il va falloir : « revoir le logiciel ».

On le sent bien, et nous l'avons suffisamment vécu au cours de notre carrière d'agriculteurs, les systèmes se regardent en chiens de faïence et traquent le premier faux pas de l'autre.

Alors bien sûr, au lieu d'admettre que l'on fait fausse route, que la nature finalement est plus forte encore que toutes les contraintes instituées par un hypothétique lobby écolo qui aurait envahi toutes les sphères des pouvoirs, tant européens que nationaux,  on préfère crier à l'excès de normes et à la sur charge administrative. 

C'est ainsi que l'on a vu les panneaux des communes retournés pour nous indiquer : On marche sur la tête.

Certes, il y a quelque chose qui marche sur la tête, mais je n'ai pas l'impression que l'administration soit la seule responsable dans cette affaire.

D'abord nous parlons du secteur économique dans lequel la co-construction est la plus développée de tous les secteurs et ce depuis plus de cinquante ans.

Difficile dans ces conditions de demander, comme le fait pourtant Sébastien Abis, chercheur à l'institut de relations internationales et stratégiques (Iris) de :  de faire plus confiance aux agriculteurs.

Leurs représentants, en tout cas ceux de la FNSEA et des JA ont été associés à toutes les décisions depuis des décennies et d'ailleurs, les autres courants syndicaux n'ont pas manqué de se plaindre de cette « exclusivité » dans la concertation.

La situation actuelle ne fait pas exception puisque la question des taxes sur le GNR avait été négociée entre le gouvernement et les représentants de la profession et ces mêmes représentants s'enorgueillirent d'avoir obtenu un bon accord.

Visiblement, ils n'avaient pas dû consulter suffisamment la base...

Que faut-il faire de plus ?

C'est bien là la difficulté.

Les revendications sont multiples, très catégorielles et pire, elles peuvent être contradictoires.

C'est cas par exemple dans le domaine de la gestion de l'eau.

Il y a ceux qui veulent la liberté de s'approprier des quantités importantes d'eau et il y a ceux qui veulent un partage de l'eau, cette ressource si précieuse qui se raréfie.

Tous ceux-là sont agriculteurs. A l'évidence, nous ne sommes pas là dans une opposition écolos/agriculteurs mais bien dans une divergence interne au monde paysan.

C'est le cas aussi quand il s'agit d'évoquer la fonction exportatrice d'une agriculture céréalière alors que d'autres et c'est légitime, s'émeuvent des entrées incontrôlées de produits animaux ou de fruits et légumes qui ne respectent en rien les règles que l'Europe et la France s'imposent pour protéger les consommateurs.

Côté revenu, ce n'est pas non plus très homogène. Il y a de grosses disparités. Mais si j'en crois Stéphane Guiouiller, Président de la Chambre d'agriculture de la Mayenne, la période est plutôt bonne. Jugez vous-même. Il indique dans le journal Maymag du Conseil Départemental qui vient de paraître, mais l'article avait dû être rédigé avant les mobilisations : "Nous sortons de deux bonnes années. Dans la majorité des cas, les trésoreries sont plutôt saines, malgré la hausse des coûts de production".

C'est évidemment une bonne nouvelle, mais cela n'explique toujours pas ce qui a pu déclencher ce mouvement.

Pour en comprendre vraiment les origines, il faut sans doute regarder le calendrier électoral.

Nous sommes à quelques mois des élections Européennes et comme dans d'autres pays Européens, il y a bien quelques âmes "bien intentionnées" qui n'ont pas raté l'occasion pour agiter les peurs et les ressentiments.

C'est le carburant de toutes les extrêmes droites. La France n'est malheureusement pas épargnée et les paysans sont des cibles faciles pour ces discours simplistes pourvu qu'ils soient confrontés à des difficultés climatiques et qu'en plus, une norme, souvent mal expliquée et peut-être excessive, il y en a, vienne s'ajouter à cet imbroglio vécu comme une double peine.

Tout cela doit nous inviter à la plus grande prudence. Il y a quelques fois de belles causes qui cachent de bien mauvaises intentions.

Je ne voudrais pas que le monde paysan qui est le mien soit utilisé dans des combats qui le desserviraient finalement. 

Il s'en va comme nous tous  vers des défis énormes que nous aurons à relever ensemble. Il nous faudra protéger mieux la planète, nourrir le monde et produire de l'énergie.

La réussite face à de tels défis ne viendra que si chacun prend sa part, mais aussi, trouve sa part.

 

 

 

 

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