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La France en face : A la limite de la caricature !

29 Octobre 2013 , Rédigé par Daniel Lenoir

C'est à Villaines-la-Juhel en Mayenne que les journalistes de France 3 ont choisi de tendre leurs micros et de faire tourner leurs caméras pour illustrer les difficultés que connaissent bon nombre de Français, y compris dans nos campagnes, jusque là préservées et plutôt agréables à vivre. Les exemples sont incontestables et l'on comprend bien que la simple lecture des statistiques ne suffit pas à résoudre les problèmes de celles et ceux qui sentent le sol se dérober sous leurs pieds.

La Mayenne s'est souvent distinguée par sa discrétion (pour vivre heureux vivons cachés...). Mais elle est aussi apparue à juste titre d'ailleurs, comme une terre modérée, où le chômage y était très faible (l'un des plus faible de France), avec un taux qui malgré une progression importante n'atteint encore que 7,2 % sur le département (Voir la note de conjoncture en pièce jointe).Elle détient ou a détenu également d'autres records comme le taux de natalité qui à la fin des années 2000 mettait notre département en tête de tous les départements de France pour le nombre d'enfants nés, par rapport au nombre de femmes en âge de procréer. Elle a été longtemps le département où l'espérance de vie des femmes était la plus importante. Cela reste vrai même si la Mayenne n'est peut-être plus exactement à la première place. Et dernier chiffre, ses enfants connaissent un taux de réussite au bac au dessus de la moyenne. Seulement voilà, les statistiques ne sont pas tout et vous pouvez toujours tenter d'expliquer à quelqu'un que 95% des personnes ont un travail, s'il fait partie des 5% restants sur le carreau, cela ne le rassurera pas beaucoup.

Des exemples pour confirmer la théorie, ou une théorie étayée par des exemples ?

En regardant l'émission d'hier, la question se pose, d'autant que je ne suis pas convaincu que les quelques tentatives de réponses évoquées, soit par les chercheurs, soit par les politiques, dans le débat qui a suivi, soient très adaptées.

Personne ne conteste que nos territoires ressentent maintenant eux aussi un sentiment d'abandon. Les scores du FN sont à ce titre très évocateurs dans un territoire où le taux d'immigrés est là encore un des plus faibles et où les immigrés en question sont très majoritairement ... des anglais. La vie est dure pour tout le monde et alors que nous pouvions encore à peu près bien nous en sortir dans nos campagnes quand il y avait du travail intérimaire, nous observons que l'éloignement devient un vrai handicap quand l'emploi se fait plus rare.

Le problème n'est donc pas me semble-t-il la question d'une absence de services publics, comme le disait de manière un peu péremptoire, Cécile DUFLOT au moment du débat.

Une maison des services publics, il y en a une ! Elle existe depuis près de 20 ans sous la forme d'un centre de ressources et a élargi récemment ses collaborations avec les différents services départementaux. Les collectivités locales n'ont pas attendu ces "bons" conseils pour agir, mais cela ne suffit pas, la preuve !

La question des déplacements est par contre une vraie difficulté quand l'argent vient à manquer pour entretenir une voiture. Parce que je veux bien que l'on imagine des circuits d'autocars dans tous les bourgs de la Mayenne avec une cadence minimum d'un toutes les heures, (il faudrait cela pour répondre aux besoins), mais il n'est pas difficile de vous expliquer qu'il s'agirait de la plus grosse gabegie financière et environnementale que nous pourrions faire.

Nous y avons pourtant travaillé. Notre département fait là encore office de pionnier avec son système du "petit pégase". Il parait que nous sommes le seul département à assurer un tel service de prise en charge à domicile pour se rendre dans la ville ou le bourg-centre le plus proche, pour la modique somme de 2 €. Seule difficulté, et j'en suis conscient, ces services n'existent que sur 4 demi-journées, mais leur extension est tout à fait possible avec le soutien des communautés de communes qui le souhaiteraient. Des discussions sont en cours à ce sujet sur certaines parties du territoire Mayennais. Mais cela ne suffira pas non plus. Il faut se rendre à l'évidence. La vie à la campagne implique des déplacements individuels et seule la voiture ou le deux roues peuvent répondre à cela. Il faut donc travailler au rapprochement des personnes qui se déplacent sur un même secteur. Il en va de l'économie en faisant voiture commune, au moins sur certaines portions du trajet, il en va de l'écologie et il en va aussi de l'amélioration du lien social. Pas négligeable quand les personnes ressentent de plus en plus d'isolement alors que la campagne restait , il y a peu, encore, un endroit où les habitants ne s'ignoraient pas.

Mais la question majeure, que j'ai trouvée bien éludée dans le reportage et dans le débat qui a suivi, c'est la question de la perte des emplois sur notre territoire et pas n'importe quels emplois, les moins qualifiés.

Savez-vous que le secteur de Villaines-la-Juhel a été jusque dans les années 2008/2009, le secteur de la Mayenne où le taux de chômage était le plus faible. Il y avait le plein emploi. Sur une ville d'un peu plus de 3000 habitants, nous comptions plus de 2500 emplois, tous secteurs confondus. L'industrie y représentait une place tellement importante que des personnes de la région Parisienne et d'ailleurs, venaient travailler le weekend, générant au passage de l'activité dans les structures d'hébergement du secteur. Notre territoire a été et est encore, malgré les difficultés apparues dans une des grosses entreprises du secteur, un territoire qui voit venir chaque matin plus de personnes pour leur travail qu'il n'en voit partir. Mais la crise est là. Et le secteur du support enregistrable (CD, DVD, Blue-Ray, de l'entreprise MPO) qui a été pendant plus de 30 ans pourvoyeur d'emplois, soit en CDI, soit en CDD, soit en intérim et ils étaient nombreux, connait un recul important de son activité. Evidemment, ce sont les personnes les plus fragiles qui ont été touchées en premier. Voilà comment, alors que tout semblait aller bien dans le meilleur des mondes, que les personnes aux bas salaires pouvaient elles aussi envisager une accession à la propriété, une région se retrouve démunie parce que l'emploi s'est éloigné.

Ce n'est pourtant pas faute de recherches et d'initiatives de la part de l'entreprise et de ses dirigeants, mais nous payons deux choses dont les effets sont simultanés : La première, c'est l'absence totale d'anticipation pour créer les conditions de la venue ou du développement d'activités et d'entreprises nouvelles. Je prends souvent l'image de la forêt où un gros arbre est entrain de perdre ses grosses branches et peut-être même de mourir, mais aucune jeune pousse n'a été plantée dessous pour le remplacer... Quand il disparaît, l'emplacement est nu pour longtemps... Et la deuxième chose, est de la responsabilité totale de nos gouvernements successifs. MPO a compris il y a longtemps que son activité principale connaîtrait un recul significatif au fil du temps. Ses dirigeants ont donc pris un tournant très important en se positionnant sur la production de cellules photovoltaïques, parce qu'il y avait une certaine proximité technique entre ces deux activités. Mais l'entreprise s'est rapidement heurtée à des mesures fiscales et des contraintes administratives qui ont, par ricochet, rendu les banques frileuses. La ministre de l'écologie et de l'énergie a beau être venue en janvier 2013 dans l'entreprise pour dire tout le bien qu'elle pensait de cette activité, rien n'a vraiment bougé pour relancer cette filière qui a pourtant tout pour elle. Elle cadre totalement avec les discours sur la transition énergétique, elle est un exemple idéal dans la lutte pour la relocalisation de la production industrielle et évidemment, elle éviterait de connaitre l'hémorragie d'emplois qui nous touche actuellement. Vous voyez que, compte tenu de ces perspectives de réindustrialisation à partir de la transition énergétique, j'attendais mieux d'une ministre écolo, qu'un discours convenu, inadapté et plaqué. Mais connait-elle notre campagne ? Connait-elle la vie économique des entreprises ? Certes, nous devons maintenir les services publics. Au passage, je rappelle que ce sont bien les collectivités locales, communes, communautés de communes et départements qui portent le plus souvent seuls, ces différents services que l'état abandonne dès qu'il faut faire quelques kilomètres hors des villes centres. Mais ils n'auront de raisons d'être que si les personnes qui veulent vivent dans nos campagnes, ou bien qui n'ont pas d'autres choix, peuvent y trouver un travail sans devoir faire des dizaines de kilomètres chaque jour.

La non réponse à toutes ces questions génère inévitablement un sentiment d'abandon et le pas devient plus facile à franchir pour dire son ras le bol quand les bulletins de votes sont devant nous , quitte à faire n'importe quoi, comme nous l'avons entendu hier soir.

La situation est forcément préoccupante pour quiconque veut s'intéresser à la vie de sa commune ou de son secteur. Elle ne peut pas être désespérée et je veux combattre tout défaitisme. Ne cédons pas non plus au catastrophisme. Les personnes les plus en difficultés ne nous le pardonneraient pas et elles auraient raison. N'acceptons pas non plus d'être caricaturés comme je pense nous l'avons un peu été hier soir. Regardons aussi les choses positives, d'autant que le même jour, paraissait sur Ouest France un article élogieux à propos d'un des fleurons de l'activité économique Villainaise, l'entreprise Tryba (Cf la deuxième pièce jointe).

Note de conjoncture de la maison de l'emploi de la Mayenne Juillet 2013

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